Photo Beatrjis Deneckere
Comme il est dit dans beaucoup de textes à ce propos, il y a autant de butôs que de danseurs de butôs.
On peut en dire néanmoins deux ou trois choses:
Le butô est une danse contemporaine japonaise, marginale, qui a des racines dans la culture traditionnelle japonaise (religion shinto, très en lien avec les éléments, théâtre Nô) et dans une culture européenne marginale elle aussi (surréalisme, expressionnisme allemand).
Elle a été créée dans les années 50 au Japon par Kazuo Ohno et Tatsumi Hijikata. Ce dernier parlait alors de « body revolution », le butô permettant d’aller au-delà du corps esthétique, joyeux ou glorieux de la plupart des danses pour permettre l’expression de l’être dans son entier, y compris les parts faibles, fragiles, souffrantes, folles ou obscures.
Le butô est une danse qui part de l’intérieur pour aller vers l’extérieur. Il permet de partager, avec soi-même et puis avec les autres, les parties de soi parfois inconnues ou retenues, en laissant le corps libre de s’exprimer.
Grâce à la lenteur notamment, on entre dans une perception et une conscience différentes, dans une disponibilité à l’instant qui permet la transformation de ce qui est là.
Comme le disait Albert Camus dans L’homme révolté, lorsqu’on prépare une révolution, on dit non à ce qui opprime l’homme, mais pour que cela atteigne son but, il ne faut pas oublier le « oui » qui est à l’origine du désir de transformer. Le « oui » à l’humain, à l’amour.
Cet accueil puis amour de ce qui est, c’est ce que permet le butô : embrasser l’instant, quel qu’il soit, le laisser vivre, se transformer et mourir dans un geste.
C’est plus précisément une RƎVO˩ UTION, comme l’ont écrit des participants lors de la journée de la femme le 14 février 2016 à Pontedera.
On sort des codes, des contraintes, des « juste » ou « faux », on se rend disponible à ce qui est et on le laisse se mettre en mouvement, se remettre en vie, se transformer.
En accueillant tout ce qui est là, quel qu’il soit, on est en route sans même s’en apercevoir vers une conscience accrue, et vers l’amour inconditionnel de qui on est.
Et de tout ce qui est.
Atsushi Takenouchi, Utah, USA, 2003, photo Hiroko Komiya
Voilà comment Atsushi Takenouchi définit le Jinen, voie qu’il a choisi d’explorer dans le butô : Jinen est un vieux mot japonais. Sa signification englobe TOUT, ce qui est même plus grand que la Nature. En Occident, "l'Homme" existe au-dessus de la "Nature", la maintient et la protège. Au-dessus de l'Homme, il y a "Dieu". En d'autres mots, il y a une séparation entre la Nature, l'Homme, et Dieu. Jinen exprime la perception de l'univers avant que n'arrive une telle séparation.
Retourner à l’Un en dansant. Dans l’instant.
Ne vous arrêtez donc pas aux images que vous avez pu voir. Le butô n'est pas toujours un spectacle facilement accessible. C'est quelque chose à vivre. Et une fois à l'intérieur, vous verrez, cela n'a rien à voir avec les images parfois rebutantes que l'on peut voir dans certaines performances.
Au contraire, on est au coeur de la vie.
Photo de l'arrière-plan: Elena Bennati